Numérique et prise en compte des difficultés des élèves#

Informations

  • Auteurs : Philippe Dessus, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes, Céline Pobel-Burtin, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes, & Stéphane Chalamet, Professeur des écoles & Inspé, Univ. Grenoble Alpes.

  • Date de création : Janvier 2016.

  • Résumé : Ce document présente quelques utilisations du numérique pour aider les élèves en difficultés (qu’elles soient motrices, visuelles, auditives, de communication, etc.).

  • Voir aussi : Les documents : integration_scolaire, difficultes_ecrit, et L’accessibilité universelle des documents scolaires.

Informations supplémentaires
  • Statut du document : Terminé.

  • Date de modification : 08 avril 2024.

  • Durée de lecture : 8 minutes.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

Introduction#

Il y a eu de nombreux efforts, à la fois institutionnels et individuels, pour adapter l’enseignement scolaire au plus grand nombre, c’est-à-dire permettre à tous les élèves, quelles que soient leurs difficultés, de suivre une scolarité normale. Comme l’indique Kahn [Kahn, 2015], le fait qu’on insiste tant, depuis quelques années, sur l’idée d’inclure tous les élèves dans le système scolaire est un signe que, jusqu’à présent, le système scolaire est plutôt un système d’exclusion. Elle montre aussi qu’il faudrait, non pas insister seulement sur des réorganisations pédagogiques ou technologiques, mais tout d’abord changer le regard que l’on porte sur les élèves.

Ce que l’on peut retirer de cette réflexion salutaire est que tout enseignant doit être attentif à toute source de difficultés de ses élèves, et donc que ce qui suit peut, à plus ou moins grande échelle, être appliqué à tout contexte de classe, même avec des élèves non spécifiquement diagnostiqués comme tels : d’où le slogan d’école pour tous. Cette attention doit nécessairement se développer dès la conception du matériel d’enseignement.

En poursuivant cette réflexion, nous pouvons noter que les technologies n’ont pas pour seul rôle d’aider les handicapés. Le principal rôle des technologies est de nous assister dans des activités précises, et il est donc curieux de signaler que, lorsqu’elles aident les personnes handicapées, elles sont “assistantes” (“assistive technologies”) ([Paliwal, 2016]). Toute technologie est assistante et est censée aider l’ensemble des personnes, handicapées ou non, de la même manière qu’un ascenseur est utilisé par les handicapés mais aussi les personnes âgées ou avec enfants en bas-âge.

Munis de ces principes, nous allons ici décrire ce caractère d’assistance des technologies numériques, selon l’activité scolaire en jeu. Leur usage pourra être considéré pour tout élève.

Ce que l’on sait#

L’usage de technologies, d’outils numériques, en classe peut être un moyen intéressant, et parfois puissant, pour prendre en compte certaines difficultés des élèves et justement de leur rendre plus accessibles les savoirs, de leur permettre de suivre, autant qu’il est possible, des cours dans des classes ordinaires, et ainsi prévenir les discriminations. Ce document essaie de les lister.

L’IITE [IITE, 2006] montre que le numérique peut avoir trois usages :

  • Usages de compensation : Le numérique peut déjà aider les élèves ayant des difficultés diverses à prendre une part active aux processus d’interaction et de communication scolaire : utiliser un logiciel de traitement de textes aide les élèves dyspraxiques ne pouvant écrire avec un papier et un crayon ; utiliser un logiciel de synthèse vocale (ou des textes à taille de police plus grande) aide les élèves ayant des problèmes visuels. Dans ces usages, la technologie permet de compenser certains manques des fonctions naturelles. Là aussi, il ne faut pas les considérer comme des technologies assistantes au seul usage des handicapés : leur besoin est plutôt à considérer dans un continuum.

  • Usages didactiques et pédagogiques : On peut aménager certaines stratégies d’enseignement pour qu’elles soient compatibles avec les difficultés de certains élèves. Par exemple, l’usage d’exerciseurs permet d’éviter des saisies de textes trop compliquées pour certains élèves.

  • Usages de communication : Enfin, le numérique peut aider la communication des élèves, qui peuvent par utiliser des canaux de communication numériques pour interagir avec des pairs et l’enseignant (p. ex., élèves hospitalisés, élèves avec de l’autisme).

Notons, toujours en suivant Paliwal [Paliwal, 2016], que l’usage de tels outils ne devrait pas être stigmatisant pour les élèves, de la même manière que l’usage de lunettes n’est pas stigmatisant pour ceux qui les portent. L’enseignant a donc un travail important à faire, en classe, pour en faire accepter l’usage : personne ne trouve injuste que certains élèves portent des lunettes pour lire et il devrait en être de même pour les usages suivants.

Ce que l’on peut faire#

Cette section répertorie, par type d’activité et type de difficultés, les modifications envisagées pour permettre aux élèves de réaliser pleinement ces activités. Il est à noter que toute préconisation ne pourra être qu’individuelle, et donc ne se faire qu’après une analyse précise des habiletés et difficultés de l’élève : les préconisations ci-dessous ne peuvent s’appliquer sans cette réflexion.

Il faut noter que ne sont répertoriées ici que les adaptations ne nécessitant pas de matériel particulier et spécialisé (p. ex., imprimantes ou lecteurs Braille), et également centrées sur les aspects pédagogiques (pas liées à l’accessibilité physique, notamment de la salle de classe, etc.).

Ecrire#

L’ordinateur et des outils comme les logiciels de traitement de texte (permettant une écriture plus aisée qu’avec stylo et une relecture avant impression) ou de conversion parole-vers-text sont parmi les plus utilisés pour aider les élèves en difficultés, notamment motrices. Ce qui suit est issu de [IITE, 2006] (p. 50). Voir aussi [Hasselbring & WilliamsGlaser, 2000] et les ressources du site Ecole pour tous :

  • Problèmes moteurs mineurs : Il est très souvent plus aisé, pour des élèves ayant ce type de difficultés, d’utiliser un clavier plutôt qu’un stylo. Utiliser les fonctionnalités de type “accessibilité” qui simulent l’utilisation de la souris, ajoutent des raccourcis clavier pour les fonctionnalités les plus courantes, qui diminuent/augmentent la répétition du clavier, etc. Utiliser les fonctionnalités d’abréviation ou de complètement de mots pour faciliter la frappe. Le recours à des Espaces numériques de travail (notamment pour consigner les devoirs, les cours) est également une aide importante. L’ouvrage de Huron [Huron, 2011] (chap. 5) contient des informations utiles à propos des élèves dyspraxiques.

  • Problèmes moteurs plus sévères : Utiliser le dispositif de sélection le plus approprié aux problèmes de l’élève (manette de jeu, pavé tactile, écran tactile). Utiliser des claviers élargis ou réduits, reproduits à l’écran, ou bien des commandes vocales, souvent disponibles sur les systèmes d’exploitation récents.

  • Problèmes visuels : Il est important d’aménager l’interface de l’ordinateur de manière à ne laisser que les icones les plus importants. Des étiquettes collées au clavier peuvent aider l’élève à repérer les fonctions les plus importantes. Il est possible d’entraîner les élèves avec des logiciels de dactylographie. Utiliser la fonctionnalité de grossissement d’une partie de l’écran.

  • Problèmes auditifs : L’enseignant peut compenser ces problèmes en proposant des présentations de cours écrits. Certains dispositifs de traduction parole-vers-texte autorisent l’insertion de sous-titres dans du matériel audio-visuel.

  • Problèmes cognitifs : Faire utiliser des claviers au nombre de touches réduit, avec des caches spécifiques montrant les principales fonctionnalités, voire un logiciel de reconnaissance de la parole. Faire utiliser un pavé tactile plutôt qu’une souris et favoriser le pointage sur écran tactile. Organiser les icones pour qu’elles soient les plus simples possible. Faire utiliser les correcteurs d’orthographe et les logiciels permettant une vue de type “plan”. La possibilité d’imprimer des textes en caractères plus gros, plus lisibles et avec un espacement des lignes plus important est également utile.

Lire#

  • Mise en évidence : Il est déjà aisé de mettre en évidence les lettres, phonèmes, syllabes, lignes dans un texte pour faciliter leur lecture. L’outil LireCouleur est une extension permettant de réaliser cela sur OpenOffice et FireFox.

  • Livres audio : L’usage de livres audio, trouvables dans toutes les bibliothèques, permet un accès au texte authentique plus aisé. Le site litteratureaudio en répertorie de nombreux.

  • Synthèse vocale : La fonctionnalité de synthèse vocale, présente dans la plupart des systèmes d’exploitation récents, peut faciliter la lecture de textes (pour les élèves ayant des problèmes de lecture ou de vision). Cette fonctionnalité peut être utilement couplée avec un logiciel de reconnaissance de l’écriture. La possibilité d’imprimer des textes en caractères plus gros, plus lisibles et avec un espacement des lignes plus important est également utile. VoxOoFox est une version modifiée d’OpenOffice permettant de créer un fichier son MP3 vocalisant un texte préalablement sélectionné dans OpenOffice ou FireFox.

  • Hypertextes : Il est possible de concevoir des textes explicatifs dans lesquels les mots difficiles sont expliqués, soit par un lien hypertexte, soit par une bulle affichée par survol du mot. Ces informations optionnelles peuvent aider les élèves avec des difficultés de compréhension.

Calculer#

  • Calculatrices : Faire utiliser des calculettes ou des logiciels simulant des calculettes pour les élèves ayant des difficultés avec le calcul, ce qui abaisse leur niveau de charge mentale pour résoudre les problèmes.

Communiquer#

  • Jeux de symboles : Il existe des jeux de symboles spécialement créés à l’intention d’élèves ayant des difficultés à communiquer, comme les élèves présentant des troubles envahissants du développement, par exemple (symboles Makaton).

Etudier#

  • Mémoriser : il est possible d’utiliser un simple enregistreur pour (ré-)écouter des textes, des leçons, des poésies.

  • Organiser spatialement du contenu : Des logiciels permettant de construire des cartes mentales peuvent aider certains élèves à comprendre les relations entre concepts (voir par exemple FreeMind, et le document SAPP Les cartes de concepts pour évaluer l’apprentissage).

  • Utiliser des exerciseurs : Il est possible d’entraîner les élèves, selon leurs difficultés, avec des exerciseurs (voir le document SAPP Utiliser les exerciseurs pour apprendre).

  • Adapter le flux de prise de notes : Ordyslexie, un ensemble d’un ordinateur avec écran tactile, d’un scanneur à main, et d’un logiciel de prises de notes a équipé une centaine d’élèves de collège ayant des difficultés liées à leur dyslexie et/ou dyspraxie. Cela permet aux élèves d’utiliser les supports de cours mis sur l’ENT, mais aussi de scanner à la volée les documents de cours et d’exercice diffusés pendant les leçons [Najjar, 2014]

  • Encyclopédies : L’accès courant aux encyclopédies (notamment sur internet) facilite la compréhension et la mémorisation du contenu étudié. Le recours à des sites de type “capsules de contenu” comme les Fondamentaux ou la Kahn Académie sera également utile.

  • Usage des tableaux/vidéos interactifs et visualiseurs : L’enseignant peut utiliser ce type d’appareils pendant les cours et donner à leur fin leur trace pour que les élèves retrouvent les étapes d’un raisonnement, etc. Il existe des visualiseurs de documents qui permettent de projeter une manipulation, un élément sur papier, une production d’élève.

L’accessibilité des sites#

Il existe de nombreux programmes de vérification (voir Webographie) automatique de l’accessibilité des sites internet. Il est vivement conseillé de les utiliser avant de placer sur internet des documents scolaires. Le document L’accessibilité universelle des documents scolaires donne des éléments complémentaires sur ce point.

Webographie#

Vérification automatique de l’accessibilité des sites#

Ressources pédagogiques#

Références#

Hasselbring & WilliamsGlaser, 2000

Hasselbring, T. S., & Williams Glaser, C. H. (2000). Technology to help students with special needs. The Future of Children–Children and Computer Technology, 10(2), 102–122.

Huron, 2011

Huron, C. (2011). L'enfant dyspraxique : Mieux l'aider, à la maison et à l'école. Paris: Odile Jacob.

IITE, 2006(1,2)

IITE (2006). ITCs in education for people with special needs. Specialized training course. UNESCO-IITE.

Kahn, 2015

Kahn, S. (2015). Différenciation et traitement scolaire des différences. La Nouvelle Revue de l'Adaptation et de la Scolarisation, 70, 1–11.

Najjar, 2014

Najjar, N. . (2014). Troubles dys : une solution compensatoire numérique efficace au service des activités d'apprentissage. La Nouvelle Revue de l'Adaptation et de la Scolarisation, 65, 1–9.

Paliwal, 2016(1,2)

Paliwal, A. (2016). Why are wheelchairs more stigmatized than glasses? Nautilus, 13, 74–77.