L’apprentissage avec des surfaces mobiles interactives et tactiles (MIT) — Les tablettes#

Informations

  • Auteurs : Sébastien Jolivet, Inspé, Univ. Grenoble Alpes & Philippe Dessus, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes.

  • Date de création : Mars 2014.

  • Résumé: L’arrivée de matériel mobile, interactif et tactile (MIT) dans le milieu scolaire a vu se développer des usages nouveaux. Ce document commence par résumer les spécificités de ce type de matériel et répertorie les différents usages qu’on peut développer pour l’apprentissage et l’enseignement.

Informations supplémentaires
  • Date de modification : 23 avril 2024.

  • Durée de lecture : 9 minutes.

  • Statut du document : Terminé.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

Introduction#

Ce document explore une variété d’outils particulière, pouvant être utilisés dans des classes, regroupées sous le vocable “surfaces interactives”, ou encore mobiles, interactives et tactiles (MIT) : les tablettes. Résumons les trois critères permettant de les classer par rapport aux autres TIC.

  • Le premier critère est la mobilité : les ordinateurs sont, à l’origine, non mobiles. Ce n’est que récemment, avec l’introduction des ordinateurs portables puis des smartphones qu’on a pu envisager des usages où les TICE viennent dans la classe plus librement (à la fois sur les plans spatiaux et temporels), et même peuvent être utilisées hors ses murs, en tirant avantage de cette mobilité pour aider les apprentissages. Parmi les appareils mobiles, on trouve dans le commerce : lecteurs audio-vidéo, caméras vidéos, téléviseur portable, liseuses, GPS, capteurs divers.

  • Le deuxième est l’interactivité : certains outils sont interactifs (i.e., procurant à l’utilisateur apprenant des rétroactions spécifiques pouvant l’aider dans son apprentissage). L’ordinateur est par nature interactif. Les lecteurs vidéo/audio ne le sont pas, ou très peu.

  • Le troisième est lié à la manière de saisir des informations (dimension tactile). À l’origine, l’ordinateur a une interface d’entrée de type clavier (non tactile). Récemment, des interfaces tactiles se sont développées (sur les TBI, les smartphones, les tablettes et même certains ordinateurs portables), facilitant certaines manipulations (glisser-déposer, dessin, etc.).

Les supports mobiles interactifs et tactiles (MIT) sont l’objet de ce document. Ils sont intéressant à examiner car leur prix, leurs fonctionnalités et leur facilité de manipulation les rendent aptes à être à la croisée de nombreux champs, et rendent par là leur intégration au monde scolaire plus aisée [] :

  • ils sont à la fois à la croisée de l’apprentissage formel et informel, dans lequel la frontière entre apprentissage scolaire et à la maison se réduit ; mais aussi de l’apprentissage individuel (car pouvant plus facilement être attribués individuellement) et social (de par leurs fonctionnalités de communication) ;

  • ils sont versatiles et agiles : combinent l’utilisation de plusieurs appareils TICE (e.g., appareil photo et logiciel de traitement d’image pour les tablettes ; vidéoprojection et manipulation d’objets pour les TBI) ; de plus leur mise en œuvre dans une activité est rapide , ainsi que d’une activité à l’autre (récolte de données, analyse, communication), ce qui les rend adaptables souplement à diverses méthodes pédagogiques. Ils sont ainsi utilisables par une plus large frange d’utilisateurs, de la maternelle à l’université, puisque le clavier n’est pas le seul moyen d’input. Toutefois, leur ergonomie n’est pas toujours si évidente que cela [] (cf. la fonctionnalité d’annulation).

  • enfin, une question qui peut venir à l’esprit est la question de la lisibilité des supports électroniques. Il existe encore très peu d’études comparant la vitesse et qualité de lecture sur MIT vs. papier, mais celles existantes [] montrent qu’il y a pas de différence significative sur ces aspects.

Ce que l’on sait#

Sharples [] signale que deux types d’applications des MIT sont possibles et pertinentes. La première permet de libérer les apprenants et enseignants de contraintes et séparations physiques, sociales ou économiques. La seconde permet d’augmenter, étendre ou aller contre les conceptions de l’apprentissage existantes. Si l’on reprend la classification de [] vue dans le Doc. SAPP Usage des TIC en situation scolaire, on peut voir que les MIT, mieux que certains autres outils, peuvent promouvoir les usages en contexte physique et social (les 2 derniers du classement).

La spécificité de l’apprentissage MIT : la flexibilité#

Le fait d’utiliser des appareils facilement portables et accédant à un réseau change déjà certains paramètres pédagogiques, et peut favoriser l’idée que l’apprentissage se réalise à tout moment et en tous temps (bien que l’accès à un réseau sans fil puisse en soi être un problème dans les écoles et établissements). Les caractéristiques physique des appareils apportent déjà certains changements [] :

  • la taille, le poids des appareils les rend manipulables et déplaçables ;

  • les possibilités d’input (et plus largement, d’interaction) sont différentes : au doigt et au stylet, à la voix, les rendant plus utilisables pour certains publics (jeunes enfants, avec des difficultés d’écriture) ;

  • les possibilités d’output, également, sont différentes, avec une visualisation dans l’axe de la production (et non perpendiculaire habituellement).

La flexibilité, tout autant pour l’enseignant que pour l’élève, est donc l’un des termes-clés. La voici détaillée [], p. 172 :

Flexibilité d’apprentissage (point de vue de l’apprenant)

  • temporelle (accès à n’importe quel moment, pendant le temps scolaire ou familial, sous réserve des licences adéquates)

  • de lieu (accès de n’importe où : dans la classe, hors classe, dans des espaces virtuels)

  • selon les sources de connaissances (enseignants, pairs, parents, livres, internet)

  • selon les procédures (choix dans les activités)

  • selon les approches pédagogiques (acquisition, application, apprendre par l’action, apprentissage par les pairs, individuel, réflexion…)

  • selon les méthodes de collecte de données (photo, vidéo, prise de notes, étiquetage)

  • selon le format de représentation des connaissances (audio, film, cartes de concepts, chat, etc.)

Flexibilité pédagogique (point de vue de l’enseignant)

  • organisation du contenu enseigné

  • type de leçon (flexibilité dans le type de média et les techniques de facilitation)

  • organisation sociale des activités (individuelle, en groupe)

  • évaluation formative (modes d’évaluation alternatifs)

  • canaux de rétroactions (rétroaction en classe pendant l’activité, après l’activité par internet)

  • inputs divers (enseignant, apprenants, parents, chercheurs).

Catégorisation des tâches#

Une catégorisation par tâches d’apprentissage peut être menée. En voici une recension [] :

  • lecture de manuels et dictionnaires : les appareils nomades permettent un accès immédiat, fréquent et individuel à des ressources multimédia (intégrant texte, image et ou vidéo) ;

  • drills: séquences rapides de questions-réponses auto-évaluées ;

  • systèmes de collecte de réponses au niveau de la classe (boîtiers de vote), permettant de réaliser différents types de questionnaires (à choix multiple ou simple) et à collecter et analyser les réponses des élèves.

  • simulations distribuées : une situation de résolution de problème ou d’enquête est simulée au travers de plusieurs appareils. Chaque apprenant reçoit des informations différentes de celles de ses pairs et peut en échanger via son appareil, et mène ainsi une enquête ou résout un problème.

  • collecte de données collaborative : le caractère portable des appareils permet aux apprenants de les amener tout au long d’un processus de collecte de données (p. ex., concernant la pollution de l’eau). Les données collectées peuvent ainsi être récupérées et analysées collectivement.

Cette classification amène la description des MIT de Park [], p. 30, en quatre niveaux :

Tableau 1 : Hiérarchie de la mobilité (d’après Park, [], p. 30).

Niveau

Hiérarchie de mobilité

Applications exemples

Affordances technologiques

4

Collaboration et communication

Chat, courriel, SMS

Travail/communication en groupes

synchrone

asynchrone

Travail individuel centré contenu

3

Capturer et intégrer des données

Base données en réseau

2

Accès physique flexible

Enseignement à la demande, bases données locales…

1

Productivité

Lecture, évaluation…

Types d’utilisation collective#

Les TICE, de manière générale peuvent s’utiliser collectivement de ces trois manières [] :

  • multi-usage : plusieurs apprenants peuvent interagir via un seul appareil. Chacun voit le résultat de l’action de l’autre.

  • multi-vue : plusieurs apprenants peuvent interagir avec un seul appareil, ou observer l’usage d’un apprenant avec cet appareil ;

  • mono-utilisation : un apprenant manipule un outil TIC et les autres interagissent verbalement avec lui sans voir le résultat ;

Inconvénients de l’utilisation des MIT#

L’introduction des appareils MIT en classe pose toutefois un certain nombre de problèmes, que nous détaillons rapidement :

  • La question de la charge cognitive impliquée dans le travail sur tablette est à considérer. Par exemple, une étude récente de [] montre que les élèves travaillant avec des appareils mobiles et des environnements physiques (p. ex. biologiques), ce qui leur procure des représentations multiples et externes d’un phénomène, ce qui peut être bénéfique à leur apprentissage, comparativement à une représentation unique (p. ex., un texte). Cette étude a consisté à présenter des notions de morphologie végétale à des élèves d’école primaire, selon deux modalités de présentation : une tablette avec du texte et des photos sur les plantes, avec ou sans plantes réelles. Les résultats montrent, d’une part, que les élèves ayant travaillé sur tablette seulement ont de meilleurs résultats que ceux qui ont travaillé sur tablette et plantes réelles. Cela est interprété par les auteurs par un surcroît de charge cognitive (redondance), notamment pour les élèves ayant le moins de connaissances du contenu, les obligeant à passer des informations données par la tablette à celles des plantes elles-mêmes.

  • Enfin, des spécificités techniques et matérielles des MIT les rendent plus difficilement gérables que d’autres matériels. Elles doivent obligatoirement être connectées sans fil à internet, ce qui pose des questions de gestion de la wifi (et de son existence au sein d’une école ou établissement) ; leurs logiciels sont difficiles à maintenir massivement, leur autonomie est assez réduite (bien que meilleure que celle d’un ordinateur portable), la taille de leur écran est réduite, ce qui peut gêner la lecture.

  • L’usage ubiquitaire d’un MIT le rend plus aisément utilisable dans de nombreuses activités d’apprentissage, et fait parfois réaliser des doubles tâches à l’apprenant. Des travaux montrent qu’en situation de double tâche (même si l’une des tâches est simple, p. ex. motrice), les résultats sur l’apprentissage peuvent baisser []. L’enseignant doit donc déterminer de près dans quelles situations la consultation de contenus sur tablette est nécessaire et ne va pas gêner l’apprentissage. Dans la même perspective, l’usage ubiquitaire de MIT rend plus aisé des utilisations hors-tâches qui peuvent distraire les apprenants de l’activité.

  • le prix baissant et la portabilité des tablettes rend plus aisée son utilisation, sans que son intérêt et sa pertinence puissent toujours être fermement établies (ainsi, la navigation sur internet et la consultation de courriels, compulsives, seront facilitées). Une entreprise est même en train de concevoir un support de tablette pour les nourrissons. De plus, le risque de l’exposition plus fréquente aux marques et à la marchandisation (voir Doc. SAPP Informatique et école : vers une éducation citoyenne. Cela est malheureusement un point aveugle dans beaucoup de recherches [].

  • ensuite, et en lien avec le point précédent, rendre à ce point omniprésent l’usage des technologies à l’école doit être réfléchi, et on peut se demander si l’acquisition de compétences dans le domaine des technologies n’enlève pas dans le même temps certaines compétences autres (p. ex., communiquer, calculer, etc.). La célèbre étude de Wegner sur “l’effet Google sur la mémoire” [] le montre bien : des étudiants retiennent d’autant moins une information qu’ils sont convaincus qu’ils pourront la retrouver par la suite sur ordinateur, et aussi qu’ils savent où la retrouver.

Concevoir une leçon “mobilisée”#

Looi et ses collègues [] ont proposé une méthode de travail permettant de concevoir une leçon “mobilisée”, c’est-à-dire tirant au mieux parti des fonctionnalités des MIT :

  • Permettre de multiples itinéraires d’apprentissage. Les apprenants peuvent utiliser les MIT à tout moment de leur apprentissage, et s’en servir si nécessaire pendant d’autres activités (p. ex., papier-crayon, utilisation d’ordinateurs, discussions, etc.), enrichissant ainsi leur parcours.

  • La multi-modalité. Les multiples fonctionnalités des MIT (prise de son, photos, vidéos, notes, etc.) autorise leur utilisation dans des activités d’apprentissage complexes, pouvant d’autant mieux engendrer l’apprentissage qu’elles intègrent des modalités différentes.

  • Favoriser l’improvisation de l’apprenant en contexte, permettant la création et le partage des preuves d’apprentissage. L’utilisation, à tout moment, de MIT dans l’apprentissage favorise la créativité et la personnalisation des preuves d’apprentissage. Ces preuves peuvent être ensuite aisément partagées.

Ce que l’on peut faire#

Il existe déjà des recensions assez complètes des activités possibles avec des tablettes.

Les usages des tablettes#

Quelques études permettent de dégager des constantes dans les usages des tablettes :

  • usage plus fréquent que les autres outils TICE. Certains (Karsenti/Fievez) reportent des usages déclarés d’élèves et d’enseignants sur la moitié du temps d’une séance.

  • les usages scolaires sont, dans l’ordre décroissant (Karsenti/Fievez) : Consultation de manuels ou livres, prise de notes, production de textes, Consultation de dictionnaires, production de présentations,

Analyse des pratiques#

Ressources#

http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/apprendre/tablette-tactile/@@document_whole2

Références#