Utiliser le numérique dans des situations scolaires#

Informations

  • Auteurs : Philippe Dessus, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes & Nelly Tarbouriech, rectorat de l’académie de Grenoble. Le quizz a été réalisé par Émilie Besse, projet ReFlexPro.

  • Date de création : Octobre 2005, 1re rév. mars 2014, 2e rév. Janvier 2016.

  • Résumé : Ce document présente quelques éléments de réflexion et d’action à propos de l’usage scolaire des Technologies de l’information et de la communication (plus souvent appelées, maintenant, “le numérique”. Après avoir mentionné quelques mythes fréquemment rencontrés à propos de cet usage, il détaille ce qu’est un média, les différents types de logiciels à usage éducatif, ainsi qu’une grille pour l’analyse et la conception de tels logiciels.

  • Voir aussi : Podcast d’introduction et Podcast sur les usages des TICE.

Informations supplémentaires
  • Date de modification : 23 avril 2024.

  • Durée de lecture : 9 minutes.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

Introduction#

Les TIC sont utilisées depuis de nombreuses années maintenant (pour une brève synthèse, voir []), et deux questions essentielles subsistent encore, qui vont faire l’objet des deux parties principales : Pourquoi utiliser les TIC ? Et comment ? Mais la manière de répondre à ces questions se fait de manière souvent extrême, comme le notent Dillenbourg et Jermann [] : “les gourous prédisent un changement radical de l’éducation, les technophobes décrivent une future classe technologique, froide et déshumanisée” (p. 179), de telle sorte qu’il est souvent difficile de se retrouver dans l’une ou l’autre de ces positions. Ces mêmes auteurs présentent aussi quelques “mythes” qu’il est intéressant de détailler brièvement.

Les sept mythes de l’usage des TIC#

Tout d’abord, quel est votre avis à propos des TIC et de leur effet sur l’apprentissage ? Voici ci-dessous des avis souvent partagés, qu’on peut en réalité débattre.

  1. L’efficacité du média : les médias électroniques sont intrinsèquement efficaces, du seul fait qu’ils sont nouveaux, performants, etc.

  2. Enseigner consiste à présenter de l’information : mettre son cours en ligne est le must de l’utilisation des TIC.

  3. Internet est interactif, puisqu’on peut cliquer : L’apprentissage ne peut se réduire à compter le nombre de clics d’un élève dans un logiciel.

  4. Internet va révolutionner l’école : les mentalités changent moins vite que les technologies, et l’efficacité d’internet dans l’enseignement ne va pas forcément de soi (on a montré, notamment, que les innovations qui paraissent utilisées par tous ne remplacent en réalité leurs équivalents précédents si rapidement, voir [].

  5. L’ordinateur est uniquement un outil d’individualisation : Les récents usages des TIC (courrier, forums), vont vers des usages collaboratifs plutôt qu’individuels.

  6. L’apprentissage collaboratif est efficace : Il existe une très grande variabilité de pratiques pédagogiques sous cette étiquette. Certaines sont efficaces, pas toutes.

  7. Internet est gratuit : C’est sans compter le salaire des développeurs, gestionnaires, dépanneurs. Privilégions les projets modestes quant à leur technicité, mais innovant pédagogiquement.

Très sommairement, et de manière moins passionnée, on peut considérer l’usage des TIC de trois manières différentes [] :

  • en tant que système : pour traiter des données entrées par l’utilisateur (e.g., un logiciel de saisie de notes) ;

  • en tant qu’outil : médiatiser une relation entre un utilisateur et un objet sur lequel ce dernier travaille (e.g., un logiciel de publication assistée par ordinateur) ;

  • en tant que média : médiatiser la relation avec d’autres humains, par exemple dans le cadre de logiciels collaboratifs.

Au fait, qu’est-ce qu’un média ?#

Les travaux sur les médias (voir []), notamment dans la francophonie, partent, dans la quasi-totalité des cas, du postulat qu’ils sont la cause du progrès dans l’apprentissage des élèves l’utilisant. Ce postulat a au moins deux raisons d’être :

  • le média est le chaînon, dans l’environnement éducatif, le plus facilement changeable, donc achetable, et à ce titre des aspects commerciaux ou publicitaires peuvent perturber le bon sens qui consisterait à tester impartialement les effets des médias sur l’apprentissage ;

  • le média, comme l’acronyme TIC le suggère maintenant, est toujours réutilisé à des fins éducatives : la radio, la télévision, l’ordinateur ont été utilisés dans la vie professionnelle ou quotidienne avant d’apparaître dans l’école, ce qui renforce l’argument : « l’école doit préparer à la vie, il faut donc faire de l’informatique (de la télévision, de la radio, etc.) ». Notons déjà que cet argument est à double tranchant : certains enseignements de l’informatique ont ainsi concerné des langages de programmation (Basic, etc.) qui sont très vite devenus obsolètes, donc peu ou pas transférables à d’autres compétences informatiques. Ces façons de considérer le média comme une entité nous conduisent à chercher dans la littérature des éléments qui affineront son rôle. Kozma [] énonce qu’un média est un triplet (technologie, système de symboles, traitement) :

  • une technologie (capacités physiques, mécaniques ou électroniques d’un média, déterminant sa fonction et par extension, sa forme et d’autres caractéristiques. La technologie favorise et/ou restreint les deux autres éléments du triplet ;

  • gérant un système de symboles, « ensembles d’expressions symboliques par lesquelles l’information est communiquée, à propos d’un champ de référence, e.g., la langue parlée, le texte imprimé, les partitions musicales, les cartes ;

  • avec une capacité de traitement, capacité d’un média à faire les opérations spécifiées sur les systèmes de symboles disponibles, par exemple : affichage, réception, stockage, recherche, organisation, traduction, transformation, évaluation.

Cinq types d’usages du numérique#

Nous reprenons les cinq types d’usages du numérique proposés par Romero [], voir aussi sa conférence TEDx (les termes originaux sont entre parenthèses ; nous avons reformulé ceux qui nous paraissaient induire un jugement de performance) :

  1. Exposition simple (consommation passive). But : Exposer les apprenants à un contenu, pouvant aussi être sélectionné par eux. L’apprenant est exposé à un dispositif numérique qu’il consulte sans interagir directement, ou alors avec des interactions minimales (pour démarrer, arrêter). Exemples : Usage d’internet et de services en ligne (moteur de recherche, dictionnaires électroniques, portails, capsules vidéos de contenus comme Les Fondamentaux ou Kahn Academy) pour présenter un contenu, une habileté, etc.

  2. Exposition interactive (consommation interactive). But : apprendre en interactivité. L’apprenant est exposé à un dispositif numérique avec lequel il interagit directement, et qui lui fournit des rétroactions plus ou moins élaborées. Exemples : Usage d’exerciseurs (p. ex., learning apps, etc.) qui permettent des entraînements autonomes adaptés au niveau de chacun des élèves et procurent des rétroactions simples, répondre à des QCM, rechercher des informations. Ces exerciseurs peuvent être accessibles individuellement ou via des portails (comme English for schools) 1.

  3. Création de contenu. But : Apprendre en produisant. L’apprenant, individuellement, réalise une production, que ce soit dans un cadre strictement individuel, ou même collectif (dans ce cas, sans interagir avec ses pairs). Exemples : produire un texte, créer une carte conceptuelle, un document audiovisuel, une synthèse de documents ; Réalisation de productions individuelles (écrites, verbales, graphiques, vidéo) par les élèves. Création d’applications interactives, de jeux (sous forme d’exerciseurs avec Etigliss ou Tinytap), création d’histoires ou de jeux (en utilisant un langage de programmation).

4. Co-création de contenu. But : Apprendre en produisant en collaboration. L’apprenant réalise une production d’une envergure suffisante pour nécessiter une collaboration, et de cette production découle un apprentissage individuel. Exemples : Réalisation de productions collaboratives mono- ou multimédias (Wikimini, Vikidia, livre électronique, film en stopmotion, carte mentale collaborative). Ces réalisations peuvent constituer des outils de référence commune (p. ex., l’abécédaire en maternelle, dictionnaires en langues étrangères).

  1. Co-création participative de connaissances. But : apprendre en communautés (plus larges qu’une classe). L’apprenant réalise une production à visée de compréhension, de projet, ou de résolution de problèmes, dans laquelle la classe est vue comme une communauté d’apprentissage en lien avec au moins une autre classe (de la même école ou d’une autre). Exemples : Réalisation de projets collaboratifs riches, dans lesquels l’apprentissage n’est pas le but premier, et qui permettent à chacun d’apporter ses compétences (p. ex., correspondance scolaire, création d’un spectacle, d’un journal, d’une webradio, cartographie et échanges de savoirs, ou le modèles québécois des Écoles en réseau).

Il est assez évident que les premiers niveaux d’usage sont plus aisés à organiser par l’enseignant. Pour autant, il ne faut pas nécessairement les abandonner ou les négliger : tous concourent d’une manière différente, à l’apprentissage des élèves, et tous peuvent être être intégrés dans les niveaux supérieurs : dans une procédure de co-création participative il est tout à fait possible d’insérer des moments d’exposition simple. Enfin, la progression des niveaux n’est pas reliée à la complexité du matériel numérique utilisé : la (co-)création de contenu peut se réaliser avec du matériel très simple.

Comment utiliser le numérique dans l’apprentissage ?#

De Vries [] a listé les différents usages des TIC dans l’apprentissage par fonction pédagogique, ce sont les huit suivants, qui sont fonction du type de logiciel utilisé et de théories de l’apprentissage sous-jacentes (id., p. 112). L’utilisation de ce tableau est multiple : l’on peut soit partir d’une tâche d’élève que l’on veut favoriser (col. 4), soit d’une théorie qui nous semble adéquate (col. 3), soit encore d’un but d’enseignement (col. 1), et trouver (col. 2), le type de logiciel correspondant.

Tableau 1 - Les différents usages des TIC [].

Fonction pédagogique

Type

Théorie

Tâche élève

Connaissances

Présenter de l’information

Tutoriel

Cognitiviste

Lire

Présentation ordonnée

Dispenser des exercices

Exercices répétés

Béhavioriste

Faire des exercices

Association

Véritablement enseigner

Tuteur intelligent

Cognitiviste

Dialogue

Représentation

Capter l’attention et la motivation de l’élève

Jeu éducatif

Béhavioriste

Jouer

Répétition

Fournir espace d’exploitation

Hypermédia intelligent

Cognitiviste Constructiviste

Explorer

Présentation accès libre

Fournir environnement pour découvrir lois naturelles

Simulation

Constructiviste Cog. située

Manipuler Observer

Modélisation

Fournir environnement pour découvrir domaines abstraits

Micro-monde

Constructiviste

Construire

Matérialisation

Fournir un espace d’échanges entre élèves

Appr. collab.

Cognition située

Discuter

Construction de l’élève

Analyser un logiciel éducatif ou observer son usage#

Crossley & Green [] ont mis au point un cadre de questions permettant de concevoir ou analyser les principales caractéristiques d’un logiciel éducatif.

  1. Quel est le contenu présenté par le logiciel ? Est-il conforme au programme scolaire ?

  2. Que fait l’élève avec le logiciel ?

  3. Comment perçoit-il le déroulement du temps (et à quelle époque pense-t-il se trouver ?), dans quel lieu se pense-t-il situé ? Quel rôle joue-t-il ? Qui fait quoi (Quels sont les rôles respectifs de l’élève, l’ordinateur et l’enseignant ?)

  4. Qu’a appris l’élève une fois qu’il a utilisé le logiciel ?

  5. Quel est l’avantage de l’ordinateur sur les autres approches pour traiter ce contenu ?

Une comparaison entre TICE#

Le Tableau 3 suivant détaille quelques principales fonctionnalités de TICE couramment employées en contexte scolaire (vidéoprojecteur, TBI, tablette).

Tableau 3 - Tableau comparant des fonctionnalités de TICE (avantages et inconvénients), par rapport à leur ancêtre classique (tableau)

Tableau classique

Ordinateur

Vidéoprojecteur

Tablette tactile

TBI

Tableau classique

Ordinateur

+ Interactivité et retours personnalisés

Vidéoprojecteur

+ meilleure capture attention + travail de face + capacités multimédia + préparation supports

+ travail sur grand écran + même accès pour tous les élèves

Tablette tactile

+ interactivité, accès, + multimédia

+ mobilité + consultation collaborative

+ affichage/saisie proximaux

TBI

+ travail de face + retour au travail précédent + centration discussion et pas copie - préparation plus complexe

+ manipulation plus aisée - plus compliqué à étalonner - renforce approches transmissives - préparation plus complexe

+ présentation non linéaire + permet pilotage ordinateur + permet annotations - préparation plus complexe - prix

+ bonne intégration TBI-tablette

Quizz#

Question 1. Romero (2015) propose 5 types d’usages du numérique, à quoi correspond l’exposition simple ?

Question 2. Romero (2015) propose 5 types d’usages du numérique, à quoi correspond la création de contenu ?

Question 3. Selon De Vries (2001), l’usage de tutoriels dans l’apprentissage correspond à quelle théorie ?

Analyse des pratiques#

  1. Prenez une position argumentée à propos de l’un sept mythes de l’usage des TIC.

  2. Inventoriez vos propres manières d’utiliser un média en tant que système, outil et média.

  3. Pour un média éducatif donné, analysez-le en séparant ce qui est de l’ordre de la technologie, du système de symboles, du traitement (Kozma).

  4. En utilisant la grille de classement de De Vries, caractérisez quelques logiciels éducatifs que vous utilisez régulièrement.

  5. Réaliser, pour chacun des logiciels éducatifs utilisés, une fiche technique reprenant les cinq questions de Crossley et Green. Soyez particulièrement précis-e à propos du rôle de l’enseignant.

Ressources web#

Références#

Note de bas de page


1

Romero place cette activité dans l’item suivant. Pour autant, on peut sélectionner des informations sans les créer.