Des productions évaluatives non jetables#

Information

  • Document

  • Auteur : Philippe Dessus, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes.

  • Date de création : Février 2022.

  • Résumé : Ce Document détaille et discute la notion de production évaluative non jetable (renouvelable), c’est-à-dire qui ne sert pas seulement à prouver à l’enseignant qui le lit que l’élève ou l’étudiant qui l’a produit a appris quelque chose.

Informations supplémentaires
  • Durée de lecture : 4 minutes.

  • Date de modification : 09 avril 2024.

  • Statut du document : En travaux.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

Introduction#

À des fins de mise en œuvre de compétences et connaissances, il est fréquemment demandé aux élèves ou étudiants de réaliser des productions évaluatives (dossiers, dissertations, projets, etc.), qui requièrent souvent un temps de travail non négligeable. Ces productions sont ensuite évaluées par les enseignants (la durée de l’évaluation dépendant de l’enjeu et du nombre de productions total à corriger), qui délivrent des notes, des commentaires. La plupart du temps, l’enseignant concerné est la seule personne lectrice de la production la vie de ces documents s’arrête après l’évaluation : les étudiants ont transformé leur travail et leur compréhension d’un contenu de cours en une note, et le document est souvent archivé. En fin d’année, il est le plus souvent jeté ou effacé.

Que l’on fasse produire tant de documents qui n’ont pas de valeur réelle, autre que scolaire ou universitaire, est une vaste perte de temps : le travail réalisé n’apporte qu’une faible plus value au monde extérieur au monde académique. Il serait possible de demander aux élèves et étudiant·es de produire des documents à des fins évaluatives qui puissent avoir une vie indépendamment (et au-delà), nous nommons cela les productions évaluatives non jetables (dorénavant, PENJ). Les avantages des PENJ sont les suivants :

  • montrer aux étudiants et élèves qu’ils peuvent participer à l’élaboration de connaissances (ils peuvent penser que seuls leurs enseignants le peuvent) ;

  • montrer que ces connaissances peuvent avoir un intérêt pour d’autres, même à leur niveau (ils peuvent penser qu’ils ne sont pas assez compétents) ;

  • montrer que leur travail a une durée de vie plus grande que celle de l’immédiate évaluation de compétences et connaissances ;

  • montrer aux étudiants le principe de la “connaissance ouverte” ;

  • comme leur travail sera public, cela peut les inciter à moins recourir au plagiat (voir aussi Écrire des questions d’examen à l’épreuve de la tricherie).

Ces avantages peuvent augmenter le sens, l’identité, la compétence, et l’autonomie des étudiants les réalisant [Seraphin et al., 2018].

Ce que l’on sait#

Les origines des PENJ#

Wiley, en 2013, publie un texte dans un billet de blog, explicitant les caractéristiques d’une pédagogie ouverte. Il plaide pour supprimer les “productions évaluatives jetables” (killing the disposable assignment), car ces dernières “n’ajoutent aucune valeur ajoutée au monde” : les étudiants investissent du temps et de l’efffort à un objet qui sera rapidement parcouru par l’enseignant, noté, et sera ensuite jeté. Cela ne signifie bien sûr pas que ces productions vont être utiles à l’évaluation des élèves ou étudiants, mais plutôt qu’elles ne servent qu’à cela.

Quelques années plus tard, il distingue les productions d’évaluation suivantes [Wiley & Hilton, 2018], en un continuum :

  • production jetable : l’étudiant crée un artefact ;

  • production authentique : l’étudiant crée un artefact, qui a de plus une valeur au-delà de témoigner de l’apprentissage de ce dernier (relation avec le “monde réel”), à visée transformative ;

  • production constructioniste : production authentique rendu publique ;

  • production renouvelable : production constructioniste ayant une licence ouverte (de type Creative Commons, par exemple). Son caractère renouvelable tient au fait qu’ayant une licence ouverte, elle est plus aisément modifiable et améliorable (remixable selon la terminologie de Wiley).

Pour autant, on peut faire remonter une telle conception à la pédagogie de Célestin Freinet ou de Paolo Freire, et à la pédagogie de projet, dans laquelle la centration sur un travail “concret”, ayant une visibilité sociale et émancipatrice, est importante [Pereira, 2018, Perrenoud, 2002] (voir aussi Projets et pédagogie de projet).

Ce que l’on peut faire#

Voici une liste non exhaustive de projets pouvant amener des PENJ. Bien évidemment il est souhaitable que les productions soient rendues publiques sous licence libre.

  • réalisation de tutoriels (textuels ou vidéo), sur tel ou tel contenu du cours (ces tutoriels sont ensuite disponibles pour les étudiants des années suivantes) ;

  • contributions, structurées (de type journées contributives) ou non à la Wikipédia (e.g., voir le travail de Dubois, 2021, sur les enseignants en histoire de Besançon) ; cela implique bien sûr de vérifier la validité des contributions des étudiants ;

  • participation à un blog sur un sujet déterminé (voir p. ex. le blog NTCI Business blog créé dans le cadre d’un master de communication professionnelle) ;

  • traduction de plaquettes explicatives ou publicitaires pour des organisations caritatives ou non-gouvernementales ;

  • contribution collaborative à des causes identifiées en lien avec des contenus de cours (e.g., réchauffement climatique, infox sur les vaccins, etc.).

Activités de formation d’enseignants#

En suivant le travail d’Elder (2021), adapté par Jhangiani, on peut donner les tâches suivantes à des enseignants voulant travailler sur des PENJ :

  1. En petits groupes, faire un bref brainstorming sur des productions évaluatives jetables.

  2. Décrire un produit évaluatif plus en détail.

  3. Donner les objectifs d’apprentissage en lien avec le produit évaluatif.

  4. Second brainstorming à partir de la question suivante : “Comment accomplir des objectifs d’apprentissage similaires en rendant le produit évaluatif renouvelable ?

  5. Décrire le produit renouvelable et le partager avec le groupe entier.

Sitographie#

Références#

Pereira, 2018

Pereira, I. (2018). Bréviaire des enseignant-e-s. Science, éthique et pratique professionnelle. Vulaines-sur-Seine: Éditions du Croquant.

Perrenoud, 2002

Perrenoud, P. (2002). Apprendre à l'école à travers des projets : pourquoi ? comment ? Éducateur, 14, 6–11.

Seraphin et al., 2018

Seraphin, S. B., Grizzell, J. A., Kerr-German, A., Perkins, M. A., Grzanka, P. R., & Hardin, E. E. (2018). A conceptual framework for non-disposable assignments: inspiring implementation, innovation, and research. Psychology Learning & Teaching, 18(1), 84-97. doi:10.1177/1475725718811711

Wiley & Hilton, 2018

Wiley, D., & Hilton, J. (2018). Defining oer-enabled pedagogy. International Review of Research in Open and Distributed Learning, 19(4). URL: http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/3601/4724, doi:10.19173/irrodl.v19i4.3601