Les systèmes de réponses immédiates, ou clickers#

Informations

  • Auteurs : Philippe Dessus, Inspé & LaRAC, Univ. Grenoble Alpes et Géraldine Castel, ILCEA4, Univ. Grenoble Alpes.

  • Date de création : Nov. 2021.

  • Résumé : Ce document détaille les utilisations et effets des systèmes de réponses immédiates, ou encore systèmes de vote, qui se sont répandus dans l’enseignement secondaire et supérieur.

  • Voir aussi : La lecture préalable du Doc. Répondre à un QCM : Aspects cognitifs pourra être utile, et une liste des applications de ce type est disponible dans le Doc. Ressources – Générateurs de cours interactifs.

Informations supplémentaires
  • Date de modification : 22 octobre 2024.

  • Durée de lecture : 7 minutes.

  • Statut du document : Terminé.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

Introduction#

Parallèlement aux outils classiques de réponse à des QCM, il existe des outils que nous nommons “systèmes de réponse immédiate” (en anglais, on trouve les appellations suivantes : “classroom response system”, “clicker“, “voting system”, ou encore “audience response system” , qui permettent à tout moment à un·e enseignant·e d’avoir une idée du niveau de connaissances (ou des opinions) des élèves de sa classe ou son cours après exposition à un contenu, mais aussi de les amener à réfléchir à un point encore non abordé.

Le principe est le suivant : l’enseignant·e affiche une question (à choix multiple, libre) et les élèves présents dans la salle (ou à distance) doivent y répondre immédiatement via des dispositifs pouvant différer selon les systèmes : boîtiers de vote, affichage d’une feuille de papier tenue par les étudiants selon une orientation ou une couleur indiquant leur réponse, téléphone, tablette ou ordinateur (dans ces derniers cas une URL est fournie, souvent par code QR). Quasi-immédiatement, les différentes réponses des élèves sont agrégées et une représentation graphique et anonymée des réponses peut être affichée (un nuage de mots pour les réponses libres, des diagrammes en bâtons pour des choix multiples), soit seulement à l’enseignant·e, soit à la classe entière. Une discussion sur les résultats peut s’ensuivre, et l’enseignant·e peut bien sûr tenir compte des réponses pour décider de la suite du cours. Selon les intentions pédagogiques de l’enseignant on peut ajouter des contraintes de temps pour les réponses.

Existant depuis les années 1960 avec un matériel spécifique (boîtier), ils sont de plus en plus répandus sous la forme d’applications web accessibles de tout ordinateur ou téléphone récent. Mais la pratique de sonder la classe en posant des questions en cours de séance pour avoir une idée de l’avis ou des connaissances des élèves n’est pas nouvelle : elle se fait à main levée, voire avec des ardoises individuelles, couramment utilisées en école primaire. Pour résumer, utiliser les SRI en cours, est-ce seulement faire faire des QCM avec un “bidule”, ou bien est-ce efficace ?

Les effets généraux des SRI#

L’utilisation de systèmes de réponses immédiates (SRI) ne sert pas que l’enseignant·e : elle permet aux élèves de tester leurs connaissances, ce qui est un facteur d’apprentissage reconnu [McDaniel et al., 2007], elle peut aussi augmenter leur engagement et attention en les faisant participer à des tâches brèves mais qui les mettent en activité. En effet, sans ces outils l’enseignant a en général recours à des interrogations collectives ou au hasard, et les élèves savent bien qu’une fois interrogés ils ont une chance faible de l’être à nouveau dans un même cours.

Ils sont aussi bien utiles pour une évaluation formative (tout au long d’un cours) que sommative (à la fin, pour faire un bilan). Il est en revanche plus délicat de les utiliser directement pour des contrôles officiels de connaissance (notés), puisque des problèmes techniques peuvent toujours survenir et que tous les élèves ne disposent pas forcément du matériel nécessaire.

Pour chaque élève, situer sa réponse parmi celles des autres élèves de la classe est informant, sans parler de la rétroaction que l’enseignant·e peut donner à la suite de la présentation générale des résultats d’un sondage. On peut aussi penser que les SRI sont efficaces dans les amphithéâtres, pour permettre à de nombreux élèves ou étudiant·es d’exprimer leur avis, individuellement ou collectivement (voir [Kay & LeSage, 2009]).

Chien et al. [Chien et al., 2016] résument bien l’avis général : les élèves apprécient les SRI car ils peuvent s’exprimer leurs opinions et connaissances de manière anonyme et avoir une rétroaction utile ; ils améliorent aussi l’engagement et la présence des élèves. Les enseignant·es peuvent reprocher que les systèmes où les réponses sont visibles peuvent inciter certains élèves à copier la réponse du voisin plutôt que de réfléchir, et parfois aussi d’augmenter leur anxiété, en raison d’une plus grande pression ou compétition [Wang & Tahir, 2020].

Mais ces résultats sont souvent obtenus par des études individuelles, comportant parfois des biais, et parfois non répliqués. Parmi les biais classiques, [Chien et al., 2016] citent le biais de nouveauté (l’outil est attractif car nouveau) et celui de l’exposition inégale aux questions (les élèves du groupe SRI peuvent être exposés à des questions auxquels ceux du groupe-contrôle n’ont pas accès). La Section suivante décrit les résultats des quelques méta-analyses qui ont étudiés les effets des SRI, comparés à des situations d’enseignement qui n’en disposaient pas.

Les effets des SRI sur l’apprentissage#

[Wang & Tahir, 2020] ont réalisé une méta-analyse sur 93 articles ayant testé le SRI Kahoot, dans diverses conditions d’enseignement. Ils montrent que cet outil n’augmente pas particulièrement l’anxiété des élèves ou étudiants, mais a en général un effet sur leur engagement et motivation. Les enseignants eux-mêmes trouvent l’outil engageant, même si certains évoquent les difficultés classiques (difficulté d’utiliser des technologies), ou de concevoir des questions au niveau des élèves.

Hunsu et ses collègues [Hunsu et al., 2016] ont analysé les résultats de 53 études comparant les effets sur l’apprentissage de SRI à des situations sans SRI, principalement au niveau universitaire (impliquant au total plus de 26 000 étudiants ou élèves). Les principaux résultats montrent que les effets des SRI sur les aspects cognitifs (rappel, mémorisation, réussite au cours) de l’apprentissage sont quasi-nuls (g = 0.05), et très faibles concernant les aspects non-cognitifs (motivation, engagement, auto-efficacité, intérêt, g = 0.23). L’effet individuel le plus marqué est celui de l’auto-efficacité (g = 0.86), i.e., la croyance qu’ont les élèves en leur capacité à réaliser une tâche, même si son contexte est difficile. Les auteurs signalent aussi un effet faible (g = .19) sur l’engagement et la participation, pouvant être favorisés par l’anonymat des réponses. Enfin, et contrairement à ce qui pourrait être attendu, les effets des SRI sont moyens dans des classes de taille ordinaire (21 à 30 élèves), et faibles à très faibles pour toutes les autres tailles. Les effets non-cognitifs sont meilleurs et de moyens à élevés pour les petits groupes ou les classes de 31 à 49), l’effet s’estompant pour les tailles de classes plus élevées.

La seconde méta-analyse à notre disposition est celle de Chien et ses collègues [Chien et al., 2016], parue la même année que la précédente. Ils détaillent plus de 70 comparaisons issues d’une trentaine d’articles. Voici les principaux résultats (nous ne reportons que les effets obtenus sur un nombre d’études conséquent) :

  • l’effet des SRI sur l’apprentissage est supérieur lorsque les post-tests sont immédiatement après le cours (g de .49 contre .34) ;

  • toujours quand les post-tests sont immédiatement après le cours, l’effet des SRI sur l’apprentissage est plus important lorsqu’il y a plusieurs questions posées tout au long du cours, plutôt qu’une seule (g de .57 contre .33).

Utilisation des SRI#

Listons maintenant quelques applications possibles des SRI. Avant tout, il est nécessaire d’avoir des précautions d’utilisation. Le principal obstacle à l’utilisation de SRI en classe ou cours est le niveau d’équipement des élèves : des téléphones trop anciens dont le système d’exploitation ne supporte pas l’application du SRI utilisé ou le débit du réseau Wifi. Dans tous les cas, il est préférable que les notes données à ces occasions n’aient pas un poids trop important dans l’évaluation globale et finale du cours.

  • sondages ponctuels : des sondages brefs, tout au long d’un cours, permettent à l’enseignant de se rendre compte si les points essentiels sont compris, ou bien s’il faut les réexpliquer ;

  • questions ouverte de discussion : une question ouverte permet de lancer une discussion sur un sujet donné, en montrant l’avis général de la classe (p. ex., en commentaire de textes, proposer deux analyses différentes et demander laquelle est la plus adéquate) ; cela peut être aussi utile pour sonder les élèves sur les points du cours qui restent à éclaircir ;

  • amorce de brainstorming : poser une question ouverte permet aussi d’amorcer un brainstorming et avoir un aperçu général des idées exprimées avant travail plus précis ;

  • compétition par groupes : mettre les élèves en petits groupes et les faire répondre à une série de questions ; leurs réponses sont affichées et cela peut induire une compétition entre groupes pour trouver les bonnes réponses (fonction “Space Race” de Socrative), ce qui peut leur permettre de réactiver des connaissances en début de cours. On peut aussi gommer l’aspect compétition [Graham, 2013], ce qui est souvent préférable pour activer des buts de maîtrise.

  • rétroactions retardées : souvent, les rétroactions à une question sont données immédiatement après la question, ce qui est moins favorable à l’apprentissage que si on la retardait un peu (e.g., à la fin d’une série, ou d’un épisode de cours). Avec un SRI, il est tout à fait possible de poser une série de questions et de retarder les rétroactions à la toute fin de la série des questions, ce qui rendrait le moment des rétroactions optimal (voir Répondre à un QCM : Aspects cognitifs).

Webographie#

Références#

Chien et al., 2016(1,2,3)

Chien, Y.-T., Chang, Y.-H., & Chang, C.-Y. (2016). Do we click in the right way? a meta-analytic review of clicker-integrated instruction. Educational Research Review, 17, 1–18. doi:10.1016/j.edurev.2015.10.003

Graham, 2013

Graham, R. D. (2013). Smart clickers in the classroom: technolust or the potential to engage students? The Canadian Journal of Action Research, 14(1), 3-20.

Hunsu et al., 2016

Hunsu, N. J., Adesope, O., & Bayly, D. J. (2016). A meta-analysis of the effects of audience response systems (clicker-based technologies) on cognition and affect. Computers & Education, 94, 102-119. doi:10.1016/j.compedu.2015.11.013

Kay & LeSage, 2009

Kay, R. H., & LeSage, A. (2009). Examining the benefits and challenges of using audience response systems: a review of the literature. Computers & Education, 53(3), 819–827. doi:10.1016/j.compedu.2009.05.001

McDaniel et al., 2007

McDaniel, M. A., Anderson, J. L., Derbish, M. H., & Morrisette, N. (2007). Testing the testing effect in the classroom. European Journal of Cognitive Psychology, 19(4/5), 494–513.

Wang & Tahir, 2020(1,2)

Wang, A. I., & Tahir, R. (2020). The effect of using kahoot! for learning – a literature review. Computers & Education, 149. doi:10.1016/j.compedu.2020.103818