Motivation et engagement à l’Université#

Informations

  • Document

  • Auteurs : Laurent Lardy, LaRAC, Univ. Grenoble Alpes.

  • Date de création : Juillet 2022.

  • Résumé : Ce document donne des informations théoriques sur la motivation des étudiants à l’université.

  • Voir aussi : Un questionnaire reprenant l’ensemble des dimensions évoquées dans ce texte est disponible ICI.

Informations supplémentaires
  • Durée de lecture : 21 minutes.

  • Date de modification : 09 avril 2024.

  • Statut du document : En cours.

  • Citation : Pour citer ce document : Auteur·s (Date_de_création_ou_de_révision). Titre_du_document. Grenoble : Univ. Grenoble Alpes, Inspé, base de cours en sciences de l’éducation, accédé le date_d_accès, URL_du_document.

  • Licence : Document placé sous licence Creative Commons : BY-NC-SA.

La réussite des étudiants, une question complexe#

Avant de parler de motivation et d’engagement à l’université, il paraît nécessaire de faire un détour par la question de la réussite des étudiants à l’université, notamment parce qu’il est important de bien comprendre la complexité de cette question pour mesurer ce que pèsent ces notions dans le schéma global. Si l’on cherche à avoir des étudiants motivés et engagés dans nos formations c’est, in fine, pour qu’ils acquièrent plus des compétences, plus de savoirs, pour qu’ils développent leur esprit critique, en un mot qu’ils réussissent.

Neuville et al. (2013) proposent une revue des facteurs explicatifs du pendant négatif de la réussite, à savoir l’échec à l’université. Selon ces auteurs, l’échec s’explique par 7 grandes catégories de facteurs. Nous en ajouterons un 8e. Chacune de ces catégories apporte une part d’explication, mais aucune n’emporte tout le reste. L’objet ici n’est pas de les détailler, l’ouvrage de Neuville et al. le fait mieux que nous pourrions le faire. L’objectif est simplement de replacer la motivation parmi un ensemble de facteurs avec lesquels elle a des liens mais qui sont bien distincts du domaine qui nous intéresse ici.

  1. L’origine sociale et culturelle : Les données sont nombreuses pour montrer que l’origine sociale et culturelle des individus exerce une influence notable sur leurs chances de réussite académique. Des différences de performances scolaires apparaissent très tôt dans la scolarité. Il semble bien qu’il soit toujours plus facile de faire croitre ces différences au fils du temps que de les réduire. Les enfants d’ouvriers constituent ainsi 14 % des effectifs des filières générales, 26 % de ceux des filières technologiques et 36 % de ceux des filières professionnelles » (Duru-Bellat & Kieffer, 2008, p. 126).

  2. Le niveau de compétences et performances antérieur : La deuxième catégorie de facteurs qui expliquent les différences de réussite entre les étudiants concerne les compétences et la performance antérieures. En première année de licence ou d’IUT, ces différences sont très liées à la filière secondaire. Les données recueillies dans nos travaux (Lardy, 2017; Lardy et al., 2015) montrent par exemple que les étudiants de première année de DUT ayant une formation scientifique ont une note moyenne de fin d’année plus élevée de 2 points sur 20 par rapport aux étudiants de filières technologiques, toutes choses étant égales par ailleurs.

  3. Le projet de l’étudiant : Il s’agit ici à la fois de la démarche d’orientation menée par étudiant, de l’engagement qu’il a mis dans ce choix d’études mais aussi de la clarté de son projet professionnel.

  4. La motivation de l’étudiant : Nous y reviendrons.

  5. L’intégration sociale et académique de l’étudiant : L’intégration académique est le degré de congruence entre l’étudiant et le système académique dans lequel il évolue. L’intégration sociale est le degré de congruence entre les caractéristiques de l’étudiant et celles du système social.

  6. Les méthodes de travail : Ici, par méthode de travail, on entend la participation aux cours, le temps consacré à l’étude, la gestion du temps et des distractions potentielles. Ces méthodes de travail sont une part de l’engagement des étudiants dans leur apprentissage que nous évoquerons infra.

  7. Les pratiques d’enseignement : Dans cette (avant-)dernière brique, on mettra des éléments assez factuels comme le taux d’encadrement ou les dispositifs d’accompagnement, mais aussi les pratiques pédagogiques. Nous verrons qu’une part des leviers pour favoriser la motivation se situe effectivement dans les choix faits par les enseignants et dans les interactions qu’ils entretiennent avec les étudiants.

  8. L’influence du génome sur la réussite : Le nombre d’études qui le montre est assez considérable. L’hypothèse d’influences génétiques sur la réussite scolaire est extrêmement controversée, car elle semble aller à l’encontre de l’idéal républicain d’égalité des chances (Ramus, 2022).

Première conclusion : « L’échec à l’université se révèle donc un phénomène complexe. Aucune des catégories de facteurs passés en revue ci-dessus ne suffit à elle seule à rendre compte de ce phénomène. (Neuville et al., 2013, p. 30).

La motivation, de quoi parle-t-on ?#

Reeve (2017) recense 31 théories concernant la motivation. Par théorie, on entend un ensemble de variables et de relations supposées exister entre ces variables. Le tout forme un cadre explicatif qui permet de dégager certaines hypothèses. Un des rôles des chercheurs en sciences de l’éducation est de s’efforcer de vérifier/valider ces hypothèses par des expérimentations. Ces théories ne s’appliquent pas qu’à l’enseignement, elles ne sont pas spécifiques à ce cadre. Elles portent tout autant sur le travail, la santé, le sport ou les addictions par exemple.

Parmi ces systèmes explicatifs, nous en présenterons deux, le sentiment d’efficacité personnel et la théorie de l’autodétermination. La première s’appuie sur la notion d’agentivité et la seconde postule que l’être humain est un organisme qui s’adapte au contexte qu’il rencontre.

La motivation est par nature invisible, c’est un vécu privé et non observable (interne), c’est un construit hypothétique qui décrit des facteurs internes (des motifs) produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement. Les deux questions fondamentales dans l’étude de la motivation sont :

  • Qu’est-ce qui provoque le comportement ?

  • Pourquoi le comportement varie-t-il dans son intensité ?

Pour un peu mieux comprendre cette définition, deux éléments semblent essentiels. Lorsque l’on dit de quelqu’un qu’on voit bien qu’il ou elle est motivée, ce n’est pas de sa motivation dont on parle mais des conséquences visibles de sa motivation. La motivation est souvent perçue comme une entité singulière alors qu’elle englobe un ensemble de motifs qui peuvent être forts différents les uns des autres. La problématique de la motivation peut être schématisée comme suit (Reeve, 2017) :

_images/motifs-motiv.jpg

Figure 1 – Trois catégories de motifs internes (Reeve, 2017, p. 10)

Un motif interne est un processus qui déclenche, dirige et maintient le comportement. Trois types de motifs internes peuvent être différenciés et constituent ce que l’on pourrait appeler la motivation : les besoins, les cognitions et les émotions :

  1. Les besoins sont des conditions internes nécessaires à la vie, à la croissance et au bien-être.

  2. Les cognitions sont des évènements mentaux (pensées, croyances, attentes, projets, attributions, buts, etc.).

  3. Les émotions sont des réactions complexes mais coordonnées aux évènements significatifs.

Nous allons passer en revue les principaux éléments de ce schéma en conservant notre focalisation sur l’enseignement.

  • Quels sont les besoins dont on peut parler pour l’enseignement supérieur ?

  • Quelles cognitions sont intéressantes pour les problématiques qui nous occupent ?

L’enseignement se situe au niveau des événements externes donc des antécédents, des conditions qui influencent les motifs et tous les motifs internes se concrétisent par des résultats visibles dont l’engagement fait partie. À ce stade, il apparait important de préciser qu’il ne faut pas confondre influence et motivation. L’influence est un processus social par lequel un individu demande à un autre de changer son comportement ou ses pensées (attitudes, opinions). On peut parler de persuasion, de respect, de conformité, d’obéissance. La motivation donne à la personne l’énergie nécessaire pour s’engager dans l’environnement et y faire face de façon adaptée et orientée.

Des résultats visibles#

Dans un premier temps, en remontant la chaine causale présentée précédemment, les résultats visibles sont ces évènements qui nous font dire : « On voit bien qu’il ou elle est motivée ». Nous remontrons ensuite le schéma pour explorer des motifs particuliers liés à la théorie du sentiment d’efficacité personnel et à la théorie de l’autodétermination. Dans les deux cas, nous explorerons les événements externes qui influencent ces motifs. Cela permettra de dégager des principes, des préconisations qui tendent à améliorer la motivation des étudiants. Les résultats visibles de la motivation sont au nombre de quatre, même s’il existe un certain recouvrement entre eux.

  1. Le premier, peut-être le plus immédiat, est le comportement qui va se caractériser par le fait de fournir des efforts, par la persévérance, la latence, les choix, la probabilité de réponse, les expressions faciales et les gestes et mouvements du corps.

  2. Le deuxième est constitué des réactions psychophysiologiques, la pression artérielle, le rythme cardiaque, voire la libération de certaines hormones mais cette dimension-là, bien qu’importante, présente peu d’intérêt pour ce qui nous concerne.

  3. La troisième manifestation de la motivation est constituée par le recueil de données auto-rapportées. Déduire la présence de la motivation consiste à interroger les individus concernés à l’aide de questionnaires ou d’entretiens.

  4. Enfin, l’engagement constitue la manifestation qui présente le plus d’intérêt pour l’enseignement. Il va désigner le degré d’implication et d’efforts fournis par un étudiant dans son apprentissage ce qui va au-delà du simple comportement. Détaillons maintenant les types d’engagement

Trois types d’engagement#

L’engagement contient le plus souvent une dimension cognitive et une dimension émotionnelle en plus de la dimension comportementale (cf. Encadré 1). On peut trouver de nombreuses variantes dans la définition de l’engagement dans les travaux des chercheurs en sciences de l’éducation, comme l’engagement social ou l’engagement agentif (Lin, 2021). Mais ces différents modèles s’appliquent tous à mesurer « la qualité de la connexion ou de l’implication vis-à-vis des efforts dédiés à la scolarité et, par conséquent, vis-à-vis de tout ce qui la compose : les personnes, les activités, les buts et les valeurs » (p. 8, Dupont et al., 2015 ; repris de Skinner et al., 2009). Par conséquent, la qualité de la connexion qu’entretient un étudiant avec les tâches scolaires mais aussi avec son environnement immédiat est une partie importante de son engagement dans son apprentissage.

Encadré 1 — Une conceptualisation de l’engagement.

La conceptualisation de l’engagement qui suit repose sur nos travaux sur la réussite des étudiants dans les IUT (Lardy, 2017).

L’engagement cognitif se focalise sur l’investissement psychologique de l’individu dans son apprentissage. La mesure de l’engagement cognitif peut par exemple s’opérationnaliser comme l’approche de l’apprentissage rapportée par les étudiants, cette approche peut être en profondeur, en surface ou stratégique. Dans le cas d’un processus profond, l’élève dirige son attention vers la signification du contenu, il essaie de comprendre ce que l’auteur voulait dire. La qualité du résultat obtenu est alors liée à la qualité du processus d’apprentissage engagé : le processus profond amène une meilleure qualité de réponse. L’approche stratégique consiste à faire aussi bien que possible en cours en étant très attentif aux critères d’évaluation et en recherchant la meilleure adéquation entre travail fourni et attente des enseignants. Dans le cas d’un processus en surface, l’étudiant dirige son attention vers l’apprentissage du texte, il a une conception reproductive qui l’amène à développer des stratégies d’apprentissage par la répétition.

L’aspect comportemental peut reposer sur la régulation des efforts face aux distractions, la gestion du temps et de l’environnement et la recherche d’aide. Dans l’environnement académique courant, la difficulté des tâches n’est pas le seul obstacle qui se présente : de multiples motifs de distraction peuvent surgir et venir concurrencer les buts d’apprentissage. Devant toutes les activités concurrentes à un instant donné, la capacité à contrôler ses efforts et son attention pour repousser d’éventuelles distractions ou pour persister devant une tâche, fusse-t-elle inintéressante, peut avoir un impact notable sur la performance.

Au-delà du contrôle des efforts face aux distractions, l’engagement comportemental peut se diriger vers la gestion et la régulation de son temps et de son environnement. Il a alors pour objectif de faire décroître la probabilité d’être détourné de son objectif et/ou accroître les ressources disponibles pour l’atteindre. La gestion du temps implique la planification, l’usage d’un calendrier et la gestion quotidienne de son propre temps d’études. Cela n’inclut pas seulement la mise en place de créneaux horaires pour l’étude, mais également l’usage effectif de ce temps et une définition réaliste des objectifs. La gestion du temps varie en niveau, depuis la planification d’un après-midi d’études, d’un week-end jusqu’à l’organisation d’un semestre complet. La gestion de l’environnement d’étude fait référence aux conditions dans lesquelles l’étudiant effectue son travail de classe. Idéalement, l’environnement de travail d’un étudiant doit être organisé, calme et relativement libre de toutes distractions visuelles et auditives.

L’engagement comportemental peut se tourner vers autrui. Le dialogue avec ses pairs peut aider un étudiant à clarifier le contenu d’un cours et atteindre des connaissances qu’il n’aurait pas pu atteindre seul. Rechercher cet échange permet souvent d’obtenir le soutien des autres. Cette demande d’aide peut s’étendre au-delà des pairs et comprendre l’aide des enseignants. C’est un autre aspect de l’environnement que les étudiants peuvent apprendre à gérer.

L’engagement émotionnel fait référence aux réactions affectives des étudiants en classe qui peuvent se manifester par de l’intérêt, de l’ennui, de la joie, de la tristesse ou de l’anxiété par exemple. Cet engagement peut être vu comme les réactions émotionnelles à l’institution d’enseignement ou aux personnes qui la composent, ou bien comme les réactions vis-à-vis des tâches académiques ou des résultats obtenus. Parmi l’ensemble des émotions possibles, celles qui sont directement liées au fonctionnement cognitif et à la performance académique sont qualifiées d’émotion d’accomplissement (Pekrun et al., 2007). Parmi ces émotions d’accomplissement l’anxiété joue un rôle important. Dans l’environnement éducatif, de nombreux types d’anxiété peuvent apparaitre : l’anxiété liée aux mathématiques, aux relations sociales, à la pratique du sport ou d’une langue étrangère par exemple. C’est le couplage entre une valeur subjective élevée et un sentiment de contrôle faible qui va expliquer le sentiment d’anxiété vis-à-vis de la situation d’évaluation. Cette anxiété va engendrer des difficultés durant toutes les phases du traitement de l’information, provoquer des interférences cognitives et des pensées parasites aussi bien durant les évaluations que pendant le travail préparatoire. Les ressources attentionnelles nécessaires à l’activité cognitive et à sa régulation sont ainsi en partie préemptées par ces dysfonctionnements cognitifs et ces pensées intrusives.

Ici nous sommes à la limite de confondre la cause avec l’effet, pour être rigoureux, il faudrait mettre dans les mesures de l’engagement émotionnelle les conséquences psychophysiologiques de l’anxiété et non l’anxiété elle-même. Dans le modèle présenté précédemment, l’anxiété est le motif qui entraînent des conséquences psychophysiologiques mesurables. La difficulté réside dans l’immédiateté des réactions liées aux émotions.

Au-delà des questionnaires qui permettent de mesurer l’engagement (Lardy, 2017), il existe des outils qui tentent de mesurer l’engagement par des observations directes. Bien sûr c’est l’aspect comportemental qui va jouer un rôle primordial dans cette mesure plus objective que des informations auto-rapportées. Bressoux et Lima proposent une grille et une méthode pour évaluer l’engagement des étudiants qui nécessite deux observateurs.

Des cognitions, et le sentiment d’efficacité personnelle#

Remontons d’un cran dans la chaine causale pour se focaliser sur les motifs. Parmi les motifs évoqués qui vont venir nourrir l’engagement des étudiants, une partie importante est constituée de motifs cognitifs. Par cognitif, on entend des événements mentaux tels que des croyances, des objectifs, des buts, des attributions, des stratégies etc. Nous allons aborder un des nombreux motifs cognitifs, le sentiment d’auto-efficacité ou sentiment d’efficacité personnelle (SEP) (Bandura, 2007).

Le SEP fait partie de ces anticipations qui dirigent, dynamisent le comportement et influencent favorablement la performance. Il se définit comme « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2007, p. 12). Ce sentiment influence la performance scolaire directement par « la qualité de raisonnement et le bon usage des compétences cognitives acquises et indirectement en augmentant la persévérance dans la recherche de solutions » (Bandura, 2007, p. 328). Quatre types d’événements externes vont venir renforcer le SEP : l’expérience active de maîtrise, les expériences vicariantes, la persuasion verbale et les états psychologiques (cf. Encadré 2).

Encadré 2 — Les événements renforçant le sentiment d’efficacité personnelle.

L*”expérience active de maîtrise* se construit par l’expérience vécues du succès et renforce son sentiment d’efficacité personnelle. Cependant, acquérir des compétences, même avec un surplus de performance, n’a que peu d’impact sur le SEP si cela ne s’accompagne pas de la prise de conscience que ces aptitudes permettent d’exercer un contrôle sur l’activité. Il en va de même pour l’impact d’un échec. Il a tendance à diminuer le SEP mais c’est surtout le traitement cognitif que l’individu fera de ce succès ou de cet échec qui déterminera son impact (Bandura, 2007).

Les expériences vicariantes. Dans de nombreuses situations d’apprentissage, les individus ne possèdent pas les moyens objectifs de mesurer leur capacité à tenir une ligne de conduite menant à un résultat donné. La performance des autres est alors un indicateur précieux pour son propre SEP. C’est la comparaison normative va permettre de se persuader de sa capacité à réussir telle ou telle tâche.

La persuasion verbale est le troisième moyen d’agir sur le SEP. Le retour d’expériences ou d’informations de la part de personnes significatives (parents, enseignants, pairs, etc.) peut amener à produire, au moins de manière temporaire, plus d’efforts et permettre ainsi de surmonter ses difficultés ; cette expérience amènera alors un surcroît de sentiment d’auto-efficacité.

Enfin, les états psychologiques et émotionnels sont une quatrième cause de modification du sentiment d’auto-efficacité. Des états somatiques comme le stress, l’angoisse, les pensées désagréables ou la sensation de fatigue vont venir diminuer le sentiment d’auto-efficacité.

Le SEP peut être très largement modifié par la situation dans laquelle il s’inscrit et par le niveau de défi proposé. La généralité du comportement évoqué influence directement le sentiment d’efficacité : une tâche assez générale peut paraître tout à fait réalisable et la contextualiser, la préciser, peut amener à revoir ce sentiment à la baisse ou à la hausse.

Parmi les pistes apportées par ce cadre théorique, l’une tient dans la structuration de ses activités en sous-buts. Structurer des activités jugées peu intéressantes à priori en sous buts permet d’ancrer l’auto-évaluation de ses capacités. L’ajustement de ces sous but sous forme de défis optimaux augmente la probabilité qu’ils viennent renforcer le sentiment d’auto-efficacité. Faire adhérer aux sous-buts proximaux ou du moins donner de la valeur lors de la formulation de ces sous buts peut permettre d’éviter que des buts fixés par d’autres imposent des contraintes de performance et provoquent l’aversion. Les buts favorisent l’intérêt quand ils augmentent ou confirment l’efficacité personnelle. La formulation des buts doit informer sur la compétence plus que donner l’impression d’exercer un contrôle. De nombreux questionnaires peuvent être utilisés mais ils correspondent à chaque fois à une intention et une situation bien précise. Pas spécifique à une discipline lorsqu’il s’agit d’étudier les facteurs de réussite au sein des IUT qui regroupe des IUT tertiaires et secondaires, plus spécifique si l’on s’intéresse aux étudiants de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques (Yakimova et al., 2022) ou à la lecture et aux mathématiques chez des élèves de l’école primaire (Masson et Fenouillet, 2013).

Des besoins#

Les Les besoins sont des conditions essentielles et nécessaires à la croissance, au bien être et à la vie. Ils peuvent être physiologiques ou psychologiques. L’influence des besoins physiologiques sur le comportement n’apparaît pas au cœur des préconisations liées à l’enseignement. Ils ne sont pourtant pas sans influence sur le bien-être et la réussite des étudiants. Un étudiant qui ne mange pas à sa faim, ou un étudiant qui manque de sommeil, ne satisfait pas un besoin physiologique. Cela va exercer une influence assez directe sur sa capacité à se concentrer, à effectuer les exercices qu’on lui demande, à s’engager dans la tâche qui lui est proposée.

Les besoins auxquels nous allons nous intéresser plus spécifiquement sont les besoins psychologiques. La théorie de l’autodétermination (TAD) postule que les étudiants (et les individus plus généralement) ont naturellement tendance à s’orienter vers l’auto-organisation, vers un ajustement positif et un épanouissement croissant, pour peu que les caractéristiques perçues du contexte ne s’opposent pas à la satisfaction de 3 besoins psychologiques de base que sont les besoins de compétence, d’autonomie et de relations interpersonnelles (Deci & Ryan, 2004) (cf. Encadré 3).

Encadré 3 — Trois besoins psychologiques de base.

Le besoin d’autonomie exprime le sentiment que nos actions nous appartiennent, que nos comportements expriment nos intérêts, nos désirs. Plus nous avons le sentiment qu’une force extérieure exerce une pression pour décider notre comportement, moins nous avons le sentiment que ce besoin est satisfait. « La compétence est le besoin psychologique d’être efficace dans ses interactions avec l’environnement » (Reeve, 2017, p. 181). Ce besoin reflète la volonté des étudiants de développer leurs aptitudes leurs capacités, maîtriser des défis qui sont à leur niveau. Lorsqu’on s’engage dans une tâche dans la complexité correspond à ce que l’on est capable de faire à l’instant donné c’est le besoin de compétences qui est satisfait, développer ses aptitudes c’est satisfaire son besoin de compétences. « L’affiliation est le besoin d’établir des liens affectifs étroits et des attaches avec d’autres personnes, et il reflète le désir d’être affectivement connecté et personnellement impliqué dans des relations chaleureuses » (Reeve, 2017, p. 189).

Ce qui va nourrir la satisfaction de ces besoins sera notamment issu du schéma global des choix et des interactions posées par l’enseignant qui va se caractériser par un climat perçu par l’étudiant. Trois caractéristiques de ce climat vont venir faire écho aux trois besoins fondamentaux de la TAD.

« La structure fait référence à l’ensemble des informations fournies par le contexte, sur les objectifs globalement poursuivis et sur la meilleure manière de réussir à obtenir les résultats désirés mais également au souci de fournir des défis optimaux et appropriés aux étudiants. Puisque « la compétence est le besoin psychologique d’être efficace dans ses interactions avec l’environnement » (Reeve, 2017, p. 181), un enseignant qui adopte un style structuré va nourrir le besoin de compétences de ses étudiants en s’efforçant de rendre visible et explicite l’organisation de sa démarche, en communiquant des attentes claires, en répondant de manière consistante, prédictible et en rapport avec le contexte, en offrant une aide instrumentale, un soutien et en ajustant son enseignement et ses stratégies au niveau des étudiants. Par opposition, un enseignant adopte un style chaotique lorsqu’il ne fournit pas de règles claires, ne précise pas les attentes, n’indique pas aux étudiants les chemins qui permettront de maîtriser les tâches demandées et ne s’efforce pas d’ajuster ce qu’il propose au niveau des étudiants.

Le sentiment d’un soutien à l’autonomie sera renforcé lorsque l’enseignant offre aux étudiants une marge de liberté pour déterminer leur propre comportement. Il soutient l’autonomie en autorisant une certaine latitude dans les activités d’apprentissage, en recherchant les connexions entre les activités scolaires et les intérêts des étudiants, en tenant compte de leurs remarques. Les intérêts des étudiants vont au-delà de ce qui les intéressent stricto sensu, les intérêts des étudiants englobent également l’utilité de ce qui leur est proposé. Lorsque les choix sont contraints, la satisfaction du besoin d’autonomie passe par la justification rationnelle et pertinente de ces choix. Le soutien à l’autonomie consiste alors à fournir aux étudiants une raison valable pour expliquer pourquoi un apprentissage ou une activité est utile. Le soutien à l’autonomie est le contraire de la coercition qui marque un style contrôlant où l’avancement des activités se déroule sans que les étudiants n’aient leur mot à dire, le moindre choix à faire ou la moindre explication sur les raisons qui motivent le choix des activités. Toutefois, c’est le contraire de la coercition sans pour autant offrir aux étudiants une indépendance et une liberté totale (Vansteenkiste et al., 2012). Ainsi, le soutien à l’autonomie peut passer par des phases de réorientation de l’activité des étudiants, par des phases d’ajustement du cadre de cette autonomie.

Un enseignant qui promeut la qualité des relations interpersonnelles, avec et entre les étudiants, adopte un style tourné vers l’investissement interpersonnel et la promotion du sentiment d’appartenance. Impliqué vis-à-vis des étudiants, il prend du temps pour exprimer de l’intérêt à l’interaction, se montre confiant, chaleureux et respectueux. Il consacre des ressources à ces interactions aussi bien vis-à-vis du groupe classe dans sa globalité que vis-à-vis des individus qui le composent. Il s’efforce de limiter l’émergence d’affects négatifs dans les relations interpersonnelles. Le besoin d’appartenance des individus et les connexions avec une communauté d’apprenants représentent des motifs d’action fondamentaux pour les étudiants. Le contraire serait un style hostile caractérisé par le rejet ou la négligence. L’enseignant évite alors toutes les formes d’implication personnelle et cherche à minimiser les occasions d’échanges et d’interactions avec et entre les étudiants.

Cette perception du climat peut être abordée par des questionnaires (Lardy, 2017). Un outil d’évaluation des interactions dans ce cadre est en cours de développement.

Conclusion#

Le monde des théories de la motivation est vaste, le nombre d’outils mobilisables est conséquent. Fenouillet recense 101 théories. Nous venons d’aborder rapidement deux de ces cadres théoriques qui sont très souvent convoqués dans les études sur l’enseignement supérieur, c’est une première approche mais ceci ne serait être suffisant pour internaliser ces cadres dans les pratiques de tous les jours. Deux titres de paragraphes de l’ouvrage de Reeve paraissent particulièrement éclairants dans ce contexte : « Lorsque l’on tente de motiver quelqu’un, ce qui est facile à faire est rarement ce qui est le plus efficace » (Reeve, 2017, p. 27) et « Il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie » (ibid). Motiver ses étudiants n’est pas chose facile et ce n’est pas le seul facteur explicatif de l’engagement observé. La taille des effets produits par un dispositif particulier est en général faible et difficile à « observer » de manière objective au niveau d’un groupe classe. Ainsi apparait-il particulièrement important que le schéma global des choix et des interactions posées par l’enseignant s’inscrive dans un cadre théorique solide. Cet usage de cadres théoriques solides dans les pratiques de tous les jours ne peuvent découler ni d’un ruissellement des connaissances de la recherche sur l’amélioration des pratiques, ni de communautés de pratiques déconnectées des résultats de la recherche en Sciences de l’éducation. Une étroite collaboration est nécessaire entre les enseignants et la recherche en sciences de l’éducation. Malgré l’inextricable complexité du processus d’enseignement-apprentissage, une connaissance générale sur l’efficacité des pratiques est possible (Bressoux, 2017).

Références#

  • Bandura, A. (2007). Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle (J. Lecomte & P. Carré, Trad.). De Boeck Université.

  • Bressoux, P. (2017). Practice-based research : Une aporie et des espoirs. Éducation et didactique, 11(3), 123‑134.

  • Deci, E. L., & Ryan, R. M. (Éds.). (2004). Handbook of self-determination research. The University of Rochester Press.

  • Dupont, S., De Clercq, M., & Galand, B. (2015). Les prédicteurs de la réussite dans l’enseignement supérieur. Revue Française de Pédagogie, 191, 105-136.

  • Duru-Bellat, M., & Kieffer, A. (2008). Du baccalauréat à l’enseignement supérieur en France : déplacement et recomposition des inégalités. Population, 63(1), 123-157.

  • Lardy, L. (2017). Les facteurs qui influencent la réussite académique dans la filière technologique de l’université française. Thèse de sciences de l’éducation. Univ. Grenoble Alpes.

  • Lardy, L., Bressoux, P., & Lima, L. (2015). Les facteurs qui influencent la réussite des étudiants dans une filière universitaire technologique : Le cas de la première année d’études en DUT GEA. L’orientation scolaire et professionnelle, 44/4.

  • Lin, T.-J. (2021). Multi-dimensional explorations into the relationships between high school students’ science learning self-efficacy and engagement. International Journal of Science Education, 43(8), 1193‑1207. https://doi.org/10.1080/09500693.2021.1904523

  • Masson, J., & Fenouillet, F. (2013). Relation entre sentiment d’efficacité personnelle et résultats scolaires à l’école primaire : Construction et validation d’une échelle. Enfance, 4(4), 374‑392.

  • Neuville, S., Frenay, M., Noël, B., & Wertz, V. (2013). La persévérance et la réussite dans l’enseignement supérieur. In S. Neuville, M. Frenay, B. Noël, & V. Wertz (Éds.), Persévérer et réussir à l’université. UCL Presses universitaires de Louvain, DL 2013.

  • Pekrun, R., Frenzel, A. C., Goetz, T., & Perry, R. P. (2007). Chapter 2 - The Control-Value Theory of Achievement Emotions: An Integrative Approach to Emotions in Education. In P. A. S. Pekrun (Éd.), Emotion in Education (p. 13-36). Academic Press.

  • Ramus, F. (2022). Génétique et réussite scolaire. Conférence vidéo à la semaine du cerveau, ENS-PSL, à https://savoirs.ens.fr/expose.php?id=4100&s=09

  • Reeve, J. (2017). Psychologie de la motivation et des émotions. De Boeck supérieur.

  • Skinner, E. A., Kindermann, T. A., & Connell, J. P. (2009). Engagement and disaffection as organizational constructs in the dynamics of motivational development. In K. R. Wentzel & A. Wigfield (Éd.), Handbook of motivation at school.

  • Vansteenkiste, M., Sierens, E., Goossens, L., Soenens, B., Dochy, F., Mouratidis, A., … Beyers, W. (2012). Identifying configurations of perceived teacher autonomy support and structure: Associations with self-regulated learning, motivation and problem behavior. Learning and Instruction, 22(6), 431-439.

  • Yakimova, S., Ricard, I., Fort, I., d’Hulst, S., & Gilles, P.-Y. (2022). Validation d’un questionnaire de sentiment d’efficacité personnelle en langue française à destination des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. Psychologie Française. https://doi.org/10.1016/j.psfr.2022.01.001